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Licenciement d’un salarié protégé : quand l’illégalité de l’autorisation engage la responsabilité de l’État (CE, 16 juillet 2025, n° 469499)

Dernière mise à jour : 8 sept.

L’autorisation de licencier un salarié protégé délivrée par l’inspection du travail peut, lorsqu’elle est illégale, engager la responsabilité de l’État.


C’est ce que rappelle le Conseil d’État dans une décision du 16 juillet 2025, en fixant les contours de l’indemnisation due à l’employeur, tout en précisant que les fautes de ce dernier peuvent venir réduire cette responsabilité.


Principe général : l’État peut être responsable en cas d’autorisation illégale


Lorsqu’un employeur souhaite licencier un salarié protégé, il doit obtenir l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail. Si cette autorisation est ensuite annulée pour illégalité, l’employeur peut demander réparation à l’État, au nom duquel agit l’administration.


Ce principe s’applique de façon constante, qu’il s’agisse d’un refus ou d’une autorisation illégale, et qu’il s’agisse d’un recours de l’employeur ou du salarié (CE 4 nov. 2020, n° 428198 ; CE 20 juin 2022, n° 438885 ; CE 7 oct. 2021, n° 430899).


Même une simple erreur d’appréciation suffit à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique (CE 9 juin 1995, n° 90504).


L’affaire IGESA : une autorisation délivrée par une inspectrice territorialement incompétente


Dans le cas jugé le 16 juillet 2025, l’IGESA (établissement public sous tutelle du ministère de la Défense) a sollicité l’autorisation de licencier huit salariés protégés pour motif économique, en raison de la fermeture du foyer central des forces françaises en Allemagne.


S’estimant incompétente territorialement, l’administration parisienne a transféré le dossier à l’inspection du travail de Bastia, qui a délivré les autorisations.


Six salariés ont contesté devant le tribunal administratif, lequel a annulé les autorisations au motif que l’inspectrice corse n’était pas territorialement compétente.


Le conseil de prud’hommes, saisi par les salariés, a ensuite condamné l’IGESA à leur verser près de 160 000 € d’indemnités, comprenant :


  • l’indemnité d’éviction prévue par l’article L. 2422-4 du Code du travail,

  • l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.


L’IGESA a alors recherché la responsabilité de l’État afin d’obtenir remboursement.


Le préjudice direct et certain de l’employeur


Le Conseil d’État rappelle que :


  • l’indemnité d’éviction, due automatiquement dès l’annulation d’une autorisation de licenciement, constitue un préjudice direct et certain pour l’employeur,


  • il en va de même pour l’indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L. 1235-3 C. trav.), dès lors que cette conséquence résulte de l’illégalité fautive des autorisations administratives.


Les frais de justice (honoraires d’avocat, article 700 du CPC) exposés dans le cadre de la contestation prud’homale constituent également un préjudice indemnisable.


 Limite : vérifier si la même décision aurait pu être légalement prise


Toutefois, le juge administratif doit aussi rechercher si, malgré l’incompétence de l’inspecteur, une autorisation identique aurait pu être délivrée par l’autorité compétente.


Si tel est le cas, il n’y a pas de lien direct entre l’illégalité et le préjudice, et donc pas de responsabilité de l’État (CE 4 nov. 2020, n° 428198 ; CE 21 juill. 2023, n° 457196).


Dans l’affaire IGESA, le Conseil d’État reproche à la cour administrative d’appel de ne pas avoir vérifié ce point.


La faute de l’employeur et le partage de responsabilité


Enfin, le Conseil d’État souligne que la responsabilité de l’État doit être appréciée en tenant compte des fautes de l’employeur.


Or, dans ce dossier, le motif économique des licenciements n’était pas établi, ni au niveau de l’IGESA, ni selon les jugements prud’homaux. L’employeur a donc commis une faute en sollicitant une autorisation sur ce fondement.


Conséquence : le Conseil d’État limite la responsabilité de l’État à 20 % des sommes versées, l’IGESA supportant 80 % en raison de ses propres manquements.


En résumé


Cette décision illustre bien le mécanisme de la responsabilité partagée :


  • l’État engage sa responsabilité en cas de faute de l’administration,

  • mais l’employeur ne peut se décharger de ses propres erreurs.


Pour les entreprises, cette jurisprudence rappelle l’importance de sécuriser en amont les demandes d’autorisation de licenciement, en veillant à la compétence de l’autorité saisie et à la solidité du motif invoqué.


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